Quantcast
Channel: Page non trouvée – independantes.quebec
Viewing all articles
Browse latest Browse all 122

La leçon des jeunes (9): De la dignité

$
0
0

Les érables ont coulé abondamment au printemps 2012. Les Québécois ont goûté tantôt à de l’eau sucrée, tantôt à de la sève amère. Le jugement de la conduite des manifestants fut partagé entre la critique acerbe des défenseurs de l’État de droit et la bienveillance plutôt molle des sympathisants à la cause étudiante. Les cours de justice ont tranché, mais sans rallier les parties. Le manque de consensus qui marque notre époque résulterait du fait que «l’espace public est informé par la dynamique des droits et des libertés individuels»[1]. Or, ce conflit a surgi «au carrefour de l’éthique et du droit qui tend à imprégner les rapports sociaux à l’intérieur de la société civile»[2]. Les enseignants, en tant que fonctionnaires de l’État, ont le mérite de s’être tenus debout face au vent de political correctness qui souffle actuellement sur le Nord des Amériques. L’éthique, même au plan professionnel, restera le lieu de la conscience. À ce titre, la pratique sociale de l’éthique doit résister à l’influence de la mentalité juridique qui est dominante et omniprésente dans la société moderne, et ne pas se faire «code»[3].

En démocratie, le citoyen est celui qui est doté d’une compétence à se définir, à exprimer ses aspirations, dont celle concernant les améliorations à apporter à la manière d’exister plus intensément. Or, notre civilisation génère des exclus de l’espace public. Il n’y a pas si longtemps, les femmes en faisaient partie; elles formaient le sous-ensemble composé des mères et de leurs enfants. Ces derniers furent inclus grâce à la Loi sur la protection de la jeunesse. Le même biais institutionnel a justifié la Loi sur la protection du malade mental. Les vieillards sont l’objet d’une préoccupation nouvelle… particulièrement en période électorale. Les institutions peuvent étirer, mais certes pas indéfiniment, le filet de protection familial. L’État de Droit a son champ et ses limites.

Restent en marge, quantité de porteurs d’anomalies (dont la personnalité schizoïde) nés avant que la notion d’autisme soit étudiée, qui ont grandi sans arriver à s’intégrer au système lucratif. Il s’en trouve chez les peintres et les musiciens autant que chez les sans métiers. Certains ne disposent d’aucune passerelle pour occuper socialement une place valorisante. Il y a mille chemins pouvant conduire au décrochage, dont celui du suicide. Il y a tout juste un an, les adolescents sortis du giron familial étaient de ceux-là non représentés. Les étudiants québécois ont réussi à changer la donne. Ils ont occupé l’une des dernières places non encore privatisée: la rue. Ils ont utilisé l’un des plus anciens moyens de se faire entendre: le bruit. Bref, un grand dérangement.

Sans cette jeunesse récalcitrante, il n’est pas certain que la proximité entre l’appareil gouvernemental et la pègre serait parvenue à l’ordre du jour. Barbarie ! clamaient les gens de pouvoir. Démocratie ! répliquaient les autres. Il est si facile de se réclamer de la vérité quand on regarde la misère d’en haut. Les sans abris ont tort avant d’avoir dit un seul mot. Le droit n’est pas de leur coté, ni de celui de l’ours blanc, ni de la baleine; il n’est pas du côté de l’iceberg, ni de l’eau cachée sous la couche phréatique. Le droit est couché sur le papier blanc des arbres abattus en son nom, des arbres déjà morts pour lui. Le sens de la vie est ailleurs. Humainement, il est à venir. Collectivement, « Nous sommes avenir ».

Liette Perreault

[1] Y. Lajeunesse; L K .Sosoe (1996): Bioéthique et culture démocratique, Montréal, Harmattan Inc.

[2] Guy Giroux (1997): La pratique sociale de l’éthique, Éditions Bellarmin.

[3] Guy Giroux, op. cit. En conclusion de l’ouvrage, p.273-286.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 122

Trending Articles