Étrange tout de même ce silence à propos de la bénédiction du jour de l’An, alors que la question du crucifix a tant fait couler d’encre et fait dire tout autant de gros mots.
Je dois admettre que je fus moi-même, dans la fougue de l’adolescence, partante du refus de m’agenouiller devant le père restant seul debout. Cependant, le 3 janvier 1964, la rigidité de mes convictions s’était soudainement ramollie. Encore sur mon lit d’hôpital, jeune accouchée d’une splendide fille, je demandai à mes deux parents, père et mère chacun à tour de rôle, de bénir cette belle enfant et sa mère.
Chaque année par la suite, au matin du premier de l’An, je refis cette demande. Et je reçus chaque fois en échange un profond sentiment de sécurité. La certitude que je n’avais pas à réinventer le monde. Mes ancêtres avaient ouvert le chemin sur lequel j’avançais à mon rythme propre. Je n’étais qu’un simple maillon de la longue chaîne des générations. Que cet instant d’humilité était reposant pour mes frêles épaules!
Quelque chose de la révoltée a quand même survécu à la longueur du temps qui use. Ce qui fait que je demeure résistante à toute forme de subordination. Aujourd’hui encore, bien que sans l’impétuosité de la prime jeunesse, je n’ai qu’à continuer d’être moi-même un jour à la fois: militante de naissance, passionnément vivante!
Je suis bien de cette québécitude qui refuse de se soumettre, mais qui est lente à la colère…
Cette année, en tant que l’une des matriarches québécoises, j’appelle sur notre nation la bénédiction de lignées de parents auxquelles nous sommes liés par le sang. Toutes ces Québécoises et ces Québécois dits «de souche» qui nous ont précédés sur l’interminable route vers notre libération définitive.
Bénis soient ceux qui font du Québec leur nouveau pays. Que toutes les nouvelles Québécoises nous donnent à voir l’entièreté de leur visage! Que tous les nouveaux Québécois se fassent un point d’honneur de s’ouvrir aux valeurs d’égalité entre les hommes et les femmes! Que leurs enfants apprennent ici à aimer et à le dire en français!
Bénies soient les nations autochtones! Béni soit le territoire que nous partageons avec elles! Nos terres portent les empreintes de notre passé et de ceux qui en furent les témoins, souvent les complices et parfois partenaires dans le métissage.
Bénie soit la nordicité qui a valu à notre peuple son endurance! Béni soit le sol sur lequel nous avons à faire avancer l’expérience de l’inter-culturalisme et continuer l’histoire d’une belle aventure francophone sur le continent des Amériques!
Liette Perreault