Nos démocraties occidentales s’appuient conventionnellement sur la représentativité d’un gouvernement élu. Dans cette optique, il importe de préserver l’exercice libre et éclairé du droit de vote. On parie en quelque sorte sur l’espoir que l’addition des bulletins particuliers coïncidera automatiquement avec l’intérêt général. Malheureusement, la guerre d’image que se livrent les partis politiques, l’influence des sondages répétitifs et, par surcroît, la provenance douteuse du financement des élections, risquent d’effriter la confiance des citoyens. Au point où certains, souvent parmi les plus politisés, envisagent de s’abstenir ou d’annuler leur vote. Et même si le processus électoral était plus strictement encadré, il est peu probable que les personnes handicapées, pauvres ou inadaptées s’exprimeraient dans une proportion aussi forte que les mieux nantis. Le décompte final traduit majoritairement la volonté de ceux que leur nature, leur environnement, et/ou encore leur bonne fortune avaient déjà favorisés. Admettons que les démocraties comportent des failles structurelles à assumer.
La force d’une société à tendance démocratique repose théoriquement sur le partage du pouvoir législatif entre plusieurs représentants élus par le peuple et, de ce fait même, tenus de rendre des comptes. En pratique toutefois, car comment empêcher les élus de prêter flanc aux éventuelles pressions de ceux qui les ont portés au pouvoir? Et comment, d’autre part, l’appareil gouvernemental pourrait-il prendre ses distances de l’électorat sans se faire reprocher de ne pas être à l’écoute des gouvernés? Aussi inévitable que soit la tentation des monarques absolus et des dictateurs de céder au despotisme, autant la fragilité d’un parti élu paraît incontournable dans une société à structure corporatiste. A fortiori si le parti est porté au pouvoir sans avoir obtenu une majorité confortable.
La corporation n’est pas un mal en soi. Les guildes du Moyen Âge se sont ainsi organisées sur la base de la spécialisation des savoirs. En ont découlé les corporations de métiers axés sur la formation des ouvriers ou compagnons et la permission d’exercer leur savoir-faire par certificat de compétence. Le corporatisme en est venu à susciter de la méfiance lorsque les syndicats et les associations professionnelles ont accordé plus d’importance au bien-être de leurs membres qu’à la protection du public; ce au point de chercher à influencer la législation en leur faveur. Un État devient lui-même corporatiste quand ses projets se réduisent à un arbitrage permanent de conflits entre les groupes de pression. Un tel État risque la paralysie! Ce que le journaliste Alain Dubuc de La Presse qualifie de «manger mou politique»…
À la table d’honneur, les ministres se débattent de peine et de misère entre courtisans en coulisses et manifestants en pleine clarté. Les tirs médiatiques contre l’Office de la Langue française visent hypocritement Diane de Courcy et son projet de loi 14. Véronique Hivon affronte en direct la croisade de Patrick Vinay contre le projet de loi concernant le droit de mourir dans la dignité. Pierre Duchesne se sert des calculs du consultant Pierre Fortin pour imposer son barème d’indexation des frais d’accès à l’université. Il faut de bonnes mâchoires!
Les militants de la génération étudiante prônaient la gratuité à moyen terme. Ils ne sont pas de ces corporatistes qui oppressent la démocratie; non, madame Lysiane Gagnon! Eux, ils poussent en avant; dans la suite logique de la réflexion initiée par la Commission Parent. Les universités ne sont pas que des usines à professions lucratives; non, monsieur Yves Boivert! Les universités sont aussi des couvoirs de l’engagement citoyen. Des incubateurs à la capacité d’analyse des futurs enjeux socioéconomiques. Des laboratoires d’apprentissage de la participation à d’éventuels grands projets collectifs. La souveraineté?
Liette Perreault