Parmi les changements annoncés dans le budget fédéral, l’avenir de l’Agence canadienne du Développement international fait réagir. L’ACDI, en tant que transformation du Bureau d’aide internationale (1960) en agence indépendante, existe depuis 1968. Déjà en 1999, les réformistes de Preston Manning envisageaient de récupérer ce poste budgétaire pour renflouer les coffres des forces armées. Le coup fatal est venu d’un comité sénatorial chargé d’examiner l’efficacité de l’aide en Afrique. Ce comité a produit en 1997 «Pour surmonter 40 ans d’échec», un rapport qui recommandait la subordination du programme aux impératifs de la politique canadienne en matière de diplomatie et de commerce extérieur. Cohérence! plaident aujourd’hui les fédéraux. Tutelle! réplique Québec.
À la table d’honneur, Alexandre Cloutier, ministre aux Affaires intergouvernementales, déplore que le Québec n’ait pas été préalablement informé; à l’instar des organismes dédiés à la coopération internationale qui l’ont appris le jour même du dépôt du budget à l’occasion d’une conférence téléphonique qui s’est tenue uniquement en anglais. Selon Jean-François Lisée, ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, «l’aide au développement pourrait devenir un objectif de second niveau». Le ministre souligne le fait que l’ACDI emploie 1800 personnes, basées en majorité au siège social de Gatineau. Enfin, il rappelle qu’il a créé le mois dernier un comité chargé de réfléchir à la mise sur pied d’une agence québécoise de solidarité internationale (AQSI) en partenariat avec l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI).
Encore une fois, le Québec se démarque du Roc (Rest of Canada). Et plus il se démarque, plus il se revigore. Prenons en exemple l’indicateur de l’espérance de vie. D’après Laurent Martel, démographe à Statistiques Canada, l’espérance de vie au Québec avant 1960 était plus basse qu’ailleurs au Canada. Or, nous avons depuis surpassé la moyenne canadienne. Le niveau d’éducation de même que l’environnement économique sont certes des facteurs importants. Mais ne sous-estimons pas la démarche collective d’affirmation nationale. Il serait plausible que les institutions que nous avons créées à notre image et qui concrétisent nos valeurs nous permettent de vivre plus longtemps et en meilleure santé…
De son côté, la présidente de l’ACDI se fait rassurante. Elle réfère à un court passage du discours budgétaire lequel réitère l’objectif de lutte à la pauvreté. Margaret Bizzo ajoute que tout ce que l’Agence fait actuellement est, à long terme, dans l’intérêt du Canada. Soit! Toutefois, lorsque les fédéraux invoquent le motif de cohérence, c’est ici et maintenant. Et la convergence entre «les Affaires extérieures» et ce que nous, Québécois, entendons par «solidarité internationale» n’apparaît pas évidente!
Les deux derniers ministres responsables de l’ACDI, Bev Oda et Julian Fantino ont multiplié les opérations de séduction auprès du secteur privé, tout particulièrement les sociétés minières, avec des programmes de subventions extrêmement controversés. L’intérêt stratégique du Canada s’est graduellement déplacé de l’Afrique vers les pays d’Amérique latine, avec très peu d’égard pour les populations locales. À moins d’avoir conservé ce complexe de supériorité propre à l’ère coloniale, comment pourrions-nous prétendre que l’exportation de notre économie fondée sur la consommation puisse aider un peuple dit «en développement»? Est-ce que les relations de type commercial favorisent le partage? Où donc?
Est-ce que l’exploitation de quelqu’un dans le besoin pourrait engendrer chez-lui de la fierté?
Si vous trouvez, dites-moi où!
Liette Perreault