L’historien Frédéric Bastien vient de publier La bataille de Londres: dessous et coulisses sur le rapatriement constitutionnel. Le dévoilement de tractations secrètes impliquant des juges de la Cour suprême a eu l’effet d’une bombe sur la table d’honneur du Québec. Alexandre Cloutier a sursauté: « Ça nous montre jusqu’à quel point le premier ministre Trudeau était prêt à aller et quels moyens il était prêt à utiliser pour forcer et entrer dans la gorge une constitution. Des gestes qui sont extrêmement graves…».
Réalisons-nous assez que, depuis l’inclusion de la Charte des droits et libertés dans la constitution canadienne, la Cour suprême a droit de regard sur la légalité d’un projet de loi québécois? En clair, notre pouvoir législatif fut dès lors placé sous la tutelle de la plus haute Cour fédérale. Peut-on encore douter du génie démoniaque de P.E.T. qui a conçu cette entrave incontournable à l’autonomie du peuple québécois?
N’avons-nous pas consommé à satiété de la suprématie de ces jugements qui obéissent à des revendications individuelles au risque de bloquer l’expression de valeurs collectives d’une communauté francophone minoritaire sur le continent des Amériques? Que nous faut-il de plus pour nous inciter à retourner notre assiette? Que se produise un haut le cœur patriotique retentissant lequel serait, a fortiori, jugé inconstitutionnel…
N’avons-nous pas assez avalé, et ravalé, par le passé de ces autorités incontestables qui régissaient depuis Rome les conduites de nos familles, les livres de nos écrivains, les créations de nos artistes, les discours de nos élus? Le véritable coup d’éclat de la Révolution tranquille tient à la désacralisation de l’autorité. Concrètement, nous avons réussi à libérer le domaine politique de la soumission au pouvoir religieux. C’est alors que, se redonnant de la fierté, l’État québécois s’est considérablement consolidé; notamment en édifiant les structures laïques de l’éducation et de la santé. Ce qui ne devint réalisable qu’après avoir massivement convenu qu’il était grand temps de nous déprendre de ce monopole étouffant. Ainsi, notre Révolution s’est-elle réalisée comme une étape si naturelle qu’elle sera qualifiée de «tranquille».
Dans une société démocratique, il va de soi que l’autorité soit plurielle. Ainsi, les institutions juridiques et religieuses doivent demeurer souveraines dans leur sphère spécifique d’intervention. Ce qu’il faut éviter cependant, ce sont les alliances entre plusieurs instances qui, s’appropriant de ce fait un pouvoir démesuré, y assujettissent les autres. Voilà ce que le Québec vit présentement et ce, depuis le rapatriement de la constitution en 1982. La structure politique fédérale, en intégrant l’autorité juridique de la Charte, s’est imposée unilatéralement à la société québécoise avec un pouvoir démesuré.
André Malraux, écrivain français et ministre de la Culture de l’ère De Gaulle, avait porté à l’attention de ses contemporains le fait que «l’esclave dit toujours oui». Or, bien que nous ayons déjà dit «non» à cette ingénieuse manigance constitutionnelle, nous y sommes encore et bien malgré nous juridiquement asservis. Seul un référendum gagnant nous permettra de mettre fin à l’emprise de cette autorité externe sur nos décisions.
Dire enfin et de façon radicale, efficace et définitive: Non merci !
Liette Perreault