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La leçon des jeunes (8): De l’engagement

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Avant les événements récents sous la bannière du désormais célèbre carré rouge, les étudiants les plus fragiles et leur famille essayaient de joindre les deux bouts sans attirer l’attention. Ce n’est que lorsque le discours gouvernemental a brandi l’étendard de la responsabilisation des jeunes cégépiens et universitaires, que la marmite a sauté et que les casseroles ont commencé à résonner dans la rue. Le départ des adolescents en appartement dans une ville étrangère déstabilise les parents. À partir de ce moment, les jeunes adultes font leur apprentissage sur le terrain de la solidarité sociale. Du succès de cette étape cruciale dépendra leur autonomie future et leur survie. Au-delà des contraintes financières, c’est la confiance au monde qui se consolide ou se décompose. Le sentiment d’interdépendance qui se développe alors en accéléré dépend en grande partie de la perception de la société en général, soit comme indifférente, soit comme hostile, soit  comme accueillante. Pour avoir le goût de faire sa part, il faut d’abord avoir l’impression de faire partie de la communauté.

Les enfants de la Révolution tranquille sont nés à l’époque où dominait encore une interprétation religieuse des comportements. La tradition catholique diffusait que le dévouement requérait une élévation surnaturelle. Le protestantisme véhiculait l’idée que l’altruisme cache un fond de calcul intéressé. Les peuples de l’Amérique du nord s’imaginent laïques dans leur pensée, mais traînent une vision du monde partagée entre le bien ou le mal; vision qui se décline conséquemment entre « nous » et les autres, les bons et les moins bons, voire carrément méchants. Ce courant de pensée prône l’abolition des politiques de soutien aux pauvres et laisse aux organismes de bienfaisance la charge de prendre la relève. À la base d’un certain discours politique se retrouve, en sourdine, une dénonciation du parasitisme sous toutes ses formes. D’où l’idée que les étudiants doivent faire leur part, se faire plus légers sur le fardeau fiscal de la population dite «active».

Si l’on cherche à fonder nos politiques sur une base plus logique, les sciences sociales nous offrent une alternative. La sociologie québécoise s’avère riche d’avenues. Dont celle de Jacques T. Godbout qui propose une analyse en trois moments: donner, recevoir et rendre[1]. Cette proposition permet de sortir de la dichotomie opposant les intérêts individuels et les intérêts collectifs. Au quotidien, la vie en société se déroule dans l’espace relationnel qui n’oppose pas mais relie les deux pôles individu vs collectivité. S’y ajoute la proposition de Henri Lamoureux: «L’engagement social et communautaire sert à intégrer les deux ordres de responsabilité puisque la capacité d’un individu à assumer sa responsabilité sera la condition qui conduira la société à assurer la sienne.»[2]

L’État providence et la lourdeur de l’appareil bureaucratique demeurent à transformer. Toutefois, il serait naïf de croire que le marché pourra à lui seul remplacer l’importance de l’État accompagnateur. Car les inégalités demeurent présentes et parfois cruellement ressenties. Entre l’entraide de proximité et les programmes gouvernementaux, s’étale un vide qui ouvre toutes grandes les portes à l’endettement. Le prochain sommet sur l’éducation devra entamer une réflexion de fond sur la budgétisation des études supérieures au Québec. Assumer sa part volontairement requiert un exercice de négociation auquel les étudiants veulent participer. Ils tiennent d’ailleurs à s’y engager activement; ils le demandent, l’exigent. Ils sont en attente d’engagement.

Liette Perreault

[1] Godbout, J.T. (1992) L’esprit du don, Paris, La Découverte.

[2] Lamoureux, H.(1996) Le citoyen responsable. L’éthique de l’engagement, Montréal, VLB Éditeurs.


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