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Au Banquet: De la pudeur

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Le Conseil du Parti québécois a résolu de ne pas autoriser le port de symboles religieux aux futurs candidats. Si élus, ces derniers devront respecter la consigne à l’Assemblée nationale et ailleurs dans le cadre de leur fonction. Pauline Marois a justifié ainsi cette prise de position adoptée par quelque 500 militants: «Si un croyant peut choisir librement de porter un signe religieux, il peut tout autant choisir de ne pas le porter. Celui qui estime y être contraint par sa religion se place lui-même en contradiction avec le principe de neutralité de l’État.» Trois jours plus tard, la députée libérale Rita de Sentis arborait en chambre une croix aussi grande que sa main. Elle a parlé d’un bijou offert par quelqu’un qu’elle aimait beaucoup : «Ce n’est pas pour provoquer…». C’était jadis au nom de la pudeur que l’on blâmait une tenue «provocante».

La pudeur n’est pas une vertu à la mode. Et pourtant, qui d’entre nous ne s’est pas, à un moment donné, senti mal à l’aise devant une jeune caissière minimalement vêtue. L’étalage de parties plus intimes du corps en des lieux inappropriés dérange encore à notre époque, même après la levée du tabou sur la sexualité. Se présenter convenablement en public témoigne d’un savoir vivre respectueux de soi et d’autrui. Mais il n’y a pas que la peau qui puisse être surexposée. Certains signes dévoilant sans équivoque possible l’orientation sexuelle, l’adhésion à un groupe religieux, l’appartenance à un parti politique ou à un mouvement contestataire génèrent des émotions soit positives soit négatives. Dévoiler son âme, tout comme dévoiler son corps à tout venant, n’est pas sans conséquence. Dont le risque de sentir sa personnalité réduite au seul attribut affiché. Ce qui rend plus vulnérable au profilage, une généralisation qui porte atteinte à la dignité de la personne.

La pudeur s’exprime par la discrétion. Elle adviendra, telle une conduite fondamentale, chez qui aura pris conscience de ceci que la personne n’est pas pure extériorité, mais un espace intime à préserver de l’emprise externe. Jean-Paul Sartre a présenté comme un aspect de la liberté la précaution de se protéger du regard d’autrui, lequel pouvant être « dévorant ». L’auteur de L’être et le néant estimait que le fait d’observer une juste distance dans les relations qui nous lient les uns aux autres est nécessaire au respect non seulement de notre propre liberté, mais aussi de celle de l’autre. Voilà une conception de la liberté de conscience bien différente de l’acception tronquée qui se dégage de la chronique de Lysiane Gagnon !

Dans leur appel à la tolérance, les commissaires Bouchard et Taylor ont peu considéré l’influence de l’attitude des enseignants sur l’imaginaire des jeunes enfants, de même que l’impact de l’absence de message clair aux immigrants sur l’intégration harmonieuse des nouveaux arrivants. Plusieurs intellectuels semblent, tout aussi malencontreusement, tout à fait incapables de sortir de ce cloisonnement empreint de relativisme qui paralyse encore la pensée occidentale. Il s’avère pourtant que, au-dessus des préférences individuelles, c’est bien sur un travail collectif de hiérarchisation des valeurs que s’érige une civilisation.

Sans verser dans une intolérance rétrograde, il nous faudra cependant nous entendre pour ajuster nos conduites. Si nos gouvernants restaient passifs, comment pourrions-nous espérer que les générations futures cessent d’être divisées en tribus, déchirées par des haines identitaires, emprisonnées dans des carcans religieux? Ne devrions-nous pas éduquer nos enfants à cet aspect du civisme que l’on pourrait définir comme un être-pudique-au-monde? Et mettre en pratique individuellement cette éthique sociale consistant à communiquer autrement que par signaux visuels « ostentatoires », nous appliquant à respecter le mystère qui habite chaque personne?

Liette Perreault


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