Joyeux Noël ! Bonne Année ! Le Paradis, autant que possible, avant la fin de vos jours !
La table d’honneur s’est vidée. Le Salon bleu est plongé dans le noir. Pauline, Bernard, Martine, Jean-François, Marie, Nicolas et les autres ont rejoint leur famille respective.
Dans la mythologie chrétienne, nous avons hérité des exemples de Marthe et de Marie. On nous enseignait à l’école que Marie était celle des deux amies de Jésus qui avait « choisi la meilleure part ». Enfant, je les croyais, nos « maîtresses ». Encore, je me rappelle la leçon. Quelle est la valeur de nos agitations ? Pour survivre ? Vraiment ? Ou pour se conformer à l’air du temps… Pour plaire ! Assurément ! Autrement dit, pour être accepté dans le troupeau.
Pendant que les gens d’affaires courent, les philosophes discourent. Un après l’autre, dans une suite interminable, ils tentent de témoigner de la rencontre particulière de leur compréhension du monde avec la pensée universelle. Aucun n’y réussit parfaitement, aucun ne boucle la boucle incontestablement. De sorte qu’il resterait toujours quelque chose à dire. Ou peut-être bien, plutôt, quelque chose à taire ? Ce petit je ne sais quoi d’indicible…
Merleau-Ponty, encore jeune et plein de confiance en lui-même, composait son Éloge de la philosophie publié chez Gallimard en 1953 où on peut lire cette phrase audacieuse (p.100): « le philosophe est l’homme qui s’éveille et qui parle… ». À peine huit ans plus tard, l’auteur se ravisera dans une œuvre laissée inachevée et publiée à titre posthume chez Gallimard en 1964 : Le Visible et l’Invisible. On peut lire ce qui ressemble à un désistement (p.166) :
Le philosophe parle, mais c’est une faiblesse en lui, et une faiblesse inexplicable : il devrait se taire, faire coïncider en silence, et rejoindre dans l’Être une philosophie qui y est déjà faite. Tout se passe au contraire comme s’il voulait mettre en mots un certain silence en lui qu’il écoute. Son « œuvre » entière est cet effort absurde. Il écrivait pour dire son contact avec l’Être ; il ne l’a pas dit et ne saurait le dire, puisque c’est du silence.
Un enfant vient de naître. Recueillons-nous !
Un papa décède dans la force de l’âge. Recueillons-nous !
Une grand-maman sent sa chair amollir comme la cire d’une chandelle.
Amoureusement allumée par d’autres.
À une époque qui n’est déjà plus la vôtre.
Elle tient bon. Encore une année ! Encore un jour !
Une petite heure s’il vous plaît !
Pour offrir ce qui lui reste de feu et de lumière vacillante.
Éclairer une jeune âme.
Réchauffer un petit cœur.
Recueillons-nous !
Dieu est un bébé endormi dans les bras de sa mère. CHUT !
Liette Perreault