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Au Banquet: De l’acculturation

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 Il faudrait être un extraterrestre pour ne pas être concerné par le débat sut la laïcité. À quelqu’un qui viendrait d’ailleurs, comment expliquer que tant de salive soit perdue à discuter du bon usage d’une coiffure. Le petit prince, par exemple, serait sans doute perplexe; lui qui se promenait cheveux au vent avec le foulard dans le cou, un objet dont il n’a pas cru bon s’embarrasser en quittant notre terre…Comment parler de ce qui nous tracasse à ce point, avec nos petits princes et nos petites princesses, nos enfants ?

Il faudrait partir de loin. Quand la musulmane qui marchait les yeux baissés il y a quelques mois, me dévisage maintenant avec assurance, je sens que la confrontation à laquelle elle me soumet s’appuie sur des convictions aux racines profondes. Bien que nouvellement arrivée au Québec, elle me signale que l’ancienneté de la civilisation qui la porte prévaut sur ma condition de citoyenne. C’est exact que la conception d’une humanité mandatée par une divinité pour gérer la terre n’a été remise en cause que depuis l’ère moderne. La Déclaration universelle des droits de l’homme ne date que de 1948. Pourtant, aucun des deux systèmes de pensée n’a sacrifié la notion de dignité humaine, comme valeur fondatrice du «vivre ensemble»; la transformation est simplement passée d’une dignité transcendante à une dignité immanente. Les deux systèmes de pensée cohabitent depuis comme autant de moyens de canaliser les énergies, de réguler les conduites, de bonifier les attitudes. Pourquoi ce conflit ?

Au Québec, la transition s’est effectuée rapidement. Les communautés religieuses ont fondé les bases institutionnelles de notre système de santé et d’éducation; le clergé catholique intervenait dans le règlement des différends à tous les nivaux, des problèmes familiaux jusqu’aux oppositions partisanes reliées aux élections. Au cours des années soixante, des cohortes de laïques instruits étaient prêtes à prendre la relève. Leur arrivée a donné un élan de confiance en soi à notre peuple jusque là plutôt soumis. En une génération, nous avons questionné notre insécurité, notre défaitisme, notre impuissance. Nous avons commencé à nous voir comme une société capable de se développer par elle-même et de se projeter dans le futur. Les Ontariens ont parlé de Révolution tranquille; c’était d’une puissance irréversible, une véritable conversion de mentalité. Le bonheur social ne viendrait pas d’en haut ni d’ailleurs; nous allions retrousser nos manches et le construire ensemble. À partir de ce point de non retour, l’idée de pays devenait possible. Nous sommes passés du statut de simples soldats obéissants à l’ordre divin hiérarchique, à celui de citoyennes et citoyens matures, égaux en droits, mais surtout et en contrepartie, égaux en responsabilité face à l’avenir.

Face à la diversité des croyances, nous savons tous que nous ne savons pas tout sur l’univers.

Devant le mystère, il y a lieu de nous incliner humblement. C’est là le lieu de l’adoration. Mais là n’est pas le lieu de la liberté. Tout simplement parce que la liberté s’exerce dans la réalité terrestre, dans la manière dont nous choisissons de nous impliquer pour que demain soit meilleur. Les chamans de tout acabit ne pourront entraver le mouvement amorcé. Ils nous verront, cheveux au vent, têtes solides sur les épaules, sortir de la gêne pour travailler au gros œuvre : le pays !

Liette Perreault


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