L’Ordre national du Québec, fondé il y a 30 ans par René Lévesque, demeure la plus haute distinction attribuée par le Québec annuellement. Le 18 juin 2014, 34 personnes ont été décorées de l’insigne 2014 aux titres de grands-officiers, d’officiers et ou de chevaliers. Pierre-Olivier Fortin rapporte que dans l’ambiance feutrée du Salon rouge de l’Assemblée nationale, s’est élevée la voix solennelle et affirmée du premier ministre : « aucun sommet n’est trop haut quand on a la chance de naître, de grandir, ou de vivre au Québec… ». Parmi les récipiendaires, Dany Laferrière s’est dit très ému lorsqu’il a entendu « Au nom du peuple québécois, je vous fais officier de l’Ordre national du Québec… ».
L’auteur d’origine haïtienne, déjà promu membre de l’Académie française, avoue ne pas savoir laquelle des deux distinctions le rend le plus fier. « Je suis de plus en plus aveugle quant aux questions d’origine, d’identité pour entrer dans l’idée que nous sommes en train de tisser une seule histoire… ». Voilà qui donne à réfléchir sérieusement quant aux stratégies de préparation à un référendum gagnant !
Le nous implique ce que les sciences régionales abordent comme un « contrat naturel » établissant un « lien social » entre les membres d’une communauté. Jusqu’aux années soixante, un contrat social de « filiation » prédominait encore au Québec. Un tel contrat, de type traditionnel, se décline en termes d’héritage et de dette. Par exemple, j’ai reçu de mes ancêtres une langue et une religion que j’ai le devoir de préserver et de transmettre à la génération suivante. La résistance à l’assimilation des Canadiens français fut réussie grâce à des traditions solidement ancrées dans les coutumes et répliquées d’une génération à l’autre.
Traditionnellement aussi, le contrat naturel de filiation se perpétuait sur un territoire bien délimité, au gré de la circulation des biens et des personnes dans cette enceinte; le relief et la localisation des ressources ajoutant au caractère spécifique d’une région. Par exemple, la distribution des voies de navigation, le commerce des produits soit de la mer, des forêts ou des mines ont même façonné le mode de vie et le caractère des populations, selon les travaux des anthropologues québécois G. Bibeau, É. Corin et J.-C. Laplante (1990) dans Comprendre pour soigner autrement ; repères pour régionaliser les services de santé mentale.
Le contexte a changé : la jeunesse se veut ouverte sur le monde… Tant la rapide transformation technologique des moyens de communication que les mouvements de population entraînant le métissage des cultures sont venus bousculer l’attachement traditionnel au territoire et, tout autant, l’intérêt pour les savoirs ancestraux. Prendre acte lucidement de ce changement sociétal sera dorénavant essentiel à la réflexion stratégique sur l’indépendance du Québec.
Je ne crois pas qu’il faille se choquer du fait que les jeunes défient les valeurs que leurs parents et leurs grands-parents ont défendues avec passion. Rapprochons-nous plutôt d’eux et de nos voisins immigrants en vue d’une nouvelle construction de notre identité collective. Nous, c’est agir ensemble, ici et maintenant, pour un avenir meilleur.
Bonne Saint-Jean !
Liette Perreault