Ce printemps 2014 s’inscrit dans la grisaille, le froid et l’humidité. Le temps trop court de ceux qui se montraient les plus pressés à faire l’indépendance a fait place à un temps immense et lourd. Ce n’est pas un temps de tristesse tel que celui qui succédait à la catastrophe ferroviaire de Lac Mégantic. Ce n’est plus la colère, mais pire: l’ennui. Les petits avions ne décollent pas quand le ciel est trop bas…
Le projet de pays se place en mode latence comme sur la terre avant que la vie ne prenne forme. Quand nous étions petits, nous avons cru à un Créateur qui aurait tout planifié en sept jours. Nous avons appris que la création avait enfanté d’elle-même au cours d’un interminable processus d’auto-organisation. Ni un cerveau unique, ni une élite dirigeante n’ont présidé à l’avènement de la vie sur terre. La créativité transcende toute représentation de l’imaginaire humain. Espérons que le pays adviendra comme la vie est advenue.
Comment la vie sur terre est-elle apparue? Albert Jacquard affirmait en 1991 «Il n’y a pas eu apparition de la vie, mais, apparition d’une voie accélérant la complexification» (Voici le temps du monde fini, Seuil, p.87). Tout au plus, les savants de ce monde s’entendent-ils sur l’hypothèse d’un grand mouvement de brassage qui aurait stimulé la réactivité d’éléments demeurés inertes jusqu’à ce frottement intensif.
Où la vie s’est-elle d’abord manifestée? L’astrophysique nous apprend que le refroidissement de notre planète a provoqué la formation de poches de surface. Ici et là, des éléments furent retenus, baignant dans l’humidité tiède de sortes d’utérus. Ces bouillons de culture improvisés auraient accueilli les germes de la vie primitive.
Comment la vie s’est-elle organisée? Des organismes unicellulaires se seraient constituées en premier, auraient proliféré, auraient évolué vers des formes pluricellulaires. L’argile initiale contenait les matériaux de base communs à toutes les espèces contemporaines. Cependant, la diversité des familles de peuplement n’était pas une condition de départ, mais un effet du temps. La genèse de la vie nous enseigne de procéder du simple au complexe, de porter attention à l’émergence de mouvements embryonnaires, comme facteurs d’évolution.
Quand chaque forme de vie peut-elle enfin accoucher d’elle-même? On ne le sait pas. Nul n’a découvert de recette infaillible. Les chercheurs de multiples disciplines s’accordent sur le principe d’étapes successives et d’une maturation nécessaire à l’éclosion de chacune des espèces. Toutefois, le facteur temps demeure le principal inconnu.
Pourtant, tout ce qui existe est finalement advenu lorsque les conditions favorables furent réunies. Nous devons composer avec l’incertitude d’un ordre implanifiable. Le pays adviendra quand il passera de la condition de dormance à celui de réveil. Tenons-nous prêts à réagir, au sein des poches de résistance créative où nous nous sommes retranchés, à l’abri des miradors confédéraux !
Liette Perreault