Théoriquement depuis Max Weber, les relations au sein d’une société relèvent du politique si elles s’inscrivent dans un modèle d’inclusion obligatoire. Le monopole de la contrainte relève de l’État. Mais le processus démocratique permet de moduler ces contraintes au gré des pressions citoyennes. Cette introduction quelque peu sèche permettra de situer rigoureusement la question des relations de couple au Québec et au Canada.
Au Québec, la politique familialiste vise à assurer, en cas de divorce, la protection économique des femmes mariées. Le Code civil garantit à l’ex-épouse le droit à la pension alimentaire de même qu’au partage du patrimoine familial. L’État n’intervient pas dans les affaires des couples ayant choisi l’union libre. Or, le Québec est la seule province à faire cette distinction. L’État québécois apparaît ainsi comme le moins interventionniste en matière de conjugalité. Donc, plus de liberté citoyenne et, par conséquent, plus de risque…
Une préoccupation à l’égard de ce risque a été soulevée par l’exposition médiatique d’un cas bien particulier, voire exceptionnel. Ils furent connus sous les pseudonymes d’Éric et de Lola pour préserver l’identité de leurs enfants. Lola est arrivée d’un pays où le mariage demeure la norme sociale, en vue de partager une vie de famille avec le Québécois Éric. Des enfants sont nés; le couple s’est désuni. Lola s’attend à être traitée comme une épouse dont le statut, dans son pays d’origine, coïncide parfaitement avec celui de mère de famille. Éric, devenu fortuné, se dit en droit de refuser. Lola réfère sa requête aux instances de Justice.
Et la saga judiciaire commence. Éric gagne la première manche en Cour supérieure. Puis, Lola obtient en 2010 un jugement de la Cour d’appel du Québec lui concédant le droit à une pension alimentaire pour elle-même, mais lui refusant celui au partage du patrimoine financier de son ex-conjoint. À la Cour suprême du Canada de trancher: «Le régime québécois des pensions alimentaires et du partage du patrimoine familial respecte la Charte des droits et libertés». Ouf! S’il eut fallu que le plus haut tribunal du Canada déboute le Québec, maître de son Code civil…
À la table d’honneur, le ministre de la Justice Bertrand St-Arnaud se vide le cœur: «J’aurais trouvé épouvantable si la Charte, partie intégrante de la Constitution de 1982 que le Québec n’a jamais signé, si cette Charte interprétée par une majorité de juges venus de l’extérieur du Québec s’était substituée à la volonté unanime des 125 membres de l’Assemblée nationale, des représentants du peuple élus. J’aurais trouvé cela pas mal fort… cela m’aurait troublé…».
Le ministre St-Arnaud ne ferme pas la porte à une révision de nos règles du droit familial: «Je vais faire la réflexion avec mes collègues du Conseil des ministres et je vais écouter la société civile.». Des avocates de renom espèrent un débat de société sur la problématique québécoise; principalement Me Anne-France Goldwater, qui s’est portée à une défense flamboyante de Lola, de même que Me Sylvie Schim, qui a parlé en tant que spécialiste en droit de la famille.
L’appauvrissement des mères est à considérer selon Julie-Miville Dechêne du Conseil du statut de la femme. Aussi le débat attendu devrait-il porter sur la vulnérabilité économique en lien avec la situation familiale. Pensons à l’investissement économique requis par la prise en charge de personnes porteuses d’un handicap important ou à celle de personnes en perte d’autonomie. Du parti de l’opposition Québec solidaire, «il est temps de faire évoluer le Code civil québécois» déclare Françoise David. Ajoutons à cela que plus nous affirmerons avec précision notre différence culturelle, plus nous renforcerons les assises de notre souveraineté.
Liette Perreault