Les péquistes sont débarqués de la table d’honneur. L’équipe libérale s’y est installée, triomphante. Du bien beau monde: belle livrée, belle prestance. L’imposant premier ministre regarde de haut le rapport Ménard, jugé partisan avant même lecture. Il est peu probable que le Québec en tire quelque leçon, à court terme du moins; à moyen terme plutôt, considérant les quatre années en attente du prochain scrutin.
La terre n’a pas cessé de tourner ni les adeptes de s’inscrire à la course aux trésors. En Amérique, le club Canadien accède aux demi-finales des concurrents à la capture de la coupe Stanley. Outre-mer, la France prépare le 67e Festival de Cannes et fait miroiter aux cinéastes la célébrité associée à la palme d’or. Le peuple s’amuse, s’identifiant à des événements sportifs et culturels qui ont le mérite d’être rassembleurs. Cette dimension de la culture ne comporte en effet rien de dangereux. Jurés et arbitres sont engagés pour trancher, séparer les meilleurs des pires. Certains jubileront, d’autres s’apitoieront sur leur sort, mais sans culpabilité aucune.
Pendant ce temps, trois employés de la Société Montréal, Main & Atlantic sont conduits au palais de justice de Lac-Mégantic. Spectaculaire mise en scène digne du meilleur film policier. Encore une fois, les spectateurs n’auront pas grand-chose à décider. Un jury sera chargé de déterminer de la culpabilité ou de l’innocence de trois travailleurs accusés de négligence criminelle ayant causé la mort de 47 personnes le 6 juillet 2013.
À portée de télécommande, chacun peut suivre les travaux de la Commission Charbonneau. Nous en sommes au chapitre des liens à établir entre le financement des partis politiques et l’octroi de contrats publics à des firmes privées pour la consolidation des infrastructures routières. À la barre des témoins, la ministre déléguée aux transports de 2003 à 2007 devenue ministre en titre du dit ministère de 2007 à 2010. À la suite du témoignage, qui pourra croire que la députée ait été assignée à cette fonction pour ses compétences en la matière ?… À la table d’honneur, personne ne se dit concerné par ce cas d’insouciance complice. «Attendons le rapport de la Commission Charbonneau » commente le chef avec une aisance de circonstance.
Les joueurs vedettes du hockey seront blâmés d’avoir laissé s’échapper la coupe. De même, Nicole Kidman si le film Grace de Monaco n’est pas en nomination pour la Palme d’or. Thomas Harding sera tenu coupable d’avoir conduit ce train maudit. Julie Boulet n’est plus ministre. La décharge sur un bouc émissaire protège l’industrie sportive et cinématographique, comme celle de la justice et de la politique. Oui, l’industrie politique, celle qui a permis au PLQ de récolter 84 millions de 2000 à 2012…
Un mauvais film porte la signature de son réalisateur. Or, les propriétaires de compagnie, chefs de partis et gouvernants ne sont-ils pas les réalisateurs de l’histoire qui se trame sous nos yeux. Il n’y aurait pas de mal à s’adonner au divertissement pour se reposer du politique, à condition de ne pas confondre les règles d’imputabilité. Au-delà du spectacle, que le peuple juge !
Liette Perreault